Pour moi, faire de l’art est une exigence spirituelle et physique. Je cherche les moyens d’exprimer mon regard. C’est comme si je faisais de la cuisine chinoise, je mélange des ingrédients que j’ai sélectionnés. Je les traite en pensant la couleur, le goût, les épices... Il s’agit de créer une recette personnelle, puis de réfléchir à la forme que j’ai envie d’expérimenter. Souvent je ne parviens pas à imaginer le résultat de l’œuvre ainsi créée, de temps en temps il y a des surprises. Mon projet de cette année est un court-métrage. Il s’inspire d’une lettre publiée au journal populaire chinois le 1er octobre 1966, en pleine révolution culturelle, écrite par une jeune femme qui travaillait dans un abattoir de cochons. Cette lettre a pour titre «Tuer le cochon guidée par la pensée de Mao». Meiling y raconte comment elle est devenue une experte de l’abattage de cochons. Le film mêle le passé et le présent. Il s’inspire du roman de George Orwell « La ferme des animaux » en reprenant le symbole du cochon. Plastiquement, je voulais mélanger narration et performance pour créer un espace mental propre à Meiling. Cet espace irréel se projette ensuite dans le réel. L’univers industriel de l’abattoir représente la violence d’un régime autoritaire, mécanique, qui suit un processus bien établi. J’ai voulu créer une allusion métaphorique entre l’abatteur, le cochon et les Gardes Rouges. Les statuts de ces trois identités sont mouvants, formant une hiérarchie sans cesse recyclée.